R&D : l’Europe de la connaissance est en panne
En mars 2000, les Etats-membres de l’Union européenne, réunis à Lisbonne au Portugal, s’entendaient autour d’un objectif ambitieux : faire de l’UE « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».
R&D : l’Europe de la connaissance est en panne
En mars 2000, les Etats-membres de l’Union européenne, réunis à Lisbonne au Portugal, s’entendaient autour d’un objectif ambitieux : faire de l’UE « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».
L’innovation étant considérée comme le moteur de la croissance, chaque Etat-membre s’engageait notamment à porter d’ici à 2010 à 3 % la part de ses dépenses de recherche & développement (R&D) – publiques et privées confondues – dans le PIB. Presque deux décennies après ce sommet, c’est peu dire que le compte n’y est pas.
Le sursaut n’a pas eu lieu : dans l’Union européenne à 28, les dépenses de R&D dépassaient à peine 2% du PIB en 2017, dernière année connue, contre 1,8 % en 2000, selon Eurostat. L’inflexion est à peine plus sensible au sein de la zone euro.
Seule une minorité de pays respectent l’objectif de Lisbonne : l’Allemagne, l’Autriche et une partie des pays scandinaves. Et encore parmi eux, la Suède, qui consacrait déjà en 2000 plus de 3% de son PIB à la R&D, a relâché son effort. Même constat en Finlande, qui est carrément passée sous la barre des 3%. Le pays a pâti des déboires de son fleuron national, l’équipementier télécom Nokia, qui à une époque représentait à lui seul le tiers des dépenses de R&D de cette petite économie.
Le reste des pays européens reste très éloigné des 3% et fait pâle figure à côté des autres grandes économies développées. La R&D pèse ainsi 2,8 % du PIB aux Etats-Unis, 3,2 % au Japon, et même 4,5 % en Corée du Sud, qui a doublé son effort dans ce domaine depuis 2000 ! Même si les statistiques chinoises sont à prendre avec des pincettes, les 2,1% du PIB revendiqués par l’Empire du Milieu sont humiliants pour plus d’un Etat-membre de l’UE.
En particulier pour la France, dont les dépenses de R&D ont représenté 2,19% en 2017, en recul par rapport aux années précédentes (2,25 % en 2016) et à peine plus élevées que les 2,09 % observés en 2000. Pourtant, entre temps, l’Hexagone a mis le paquet : en élargissant le bénéfice du Crédit impôt recherche (CIR) pour les entreprises en 2008, elle a mis sur pied l’un des systèmes de soutien à l’innovation privée parmi les plus généreux au monde.
Bon an, mal an, 5 à 6 milliards d’euros sont restitués aux entreprises françaises sous forme de créance fiscale sur les dépenses qu’elles engagent en matière de R&D. Un effort qui ne se retrouve pas dans les statistiques, puisque la part de la R&D des entreprises privées dans le PIB en France est passée de 1,31% en 2000… à 1,42% en 2017. D’où les débats récurrents autour de l’efficacité du CIR ? Faut-il y voir un simple effet d’aubaine ? Dans ce cas, les entreprises auraient engagé les mêmes dépenses de R&D, crédit d’impôt ou pas. Ou bien est-ce le résultat de la désindustrialisation de l’Hexagone ? L’industrie étant en effet le secteur le plus intense en R&D, son recul en France pourrait expliquer la difficulté du pays à tenir ses objectifs dans ce domaine. Le débat n’est pas complètement tranché.
Reste une certitude, dans les pays qui consacrent une part importante de leur PIB à la R&D, l’essentiel de cet effort est supporté par le secteur privé. Il s’agit en outre le plus souvent de pays conservant une industrie puissante, à l’instar de l’Allemagne ou de la Corée du Sud. Soutenir la recherche privée a donc du sens, au moins sur le papier. A condition de ne pas lâcher la proie pour l’ombre, comme l’a fait la France : dans le même temps où elle accroissait sans guère de résultat son effort auprès des entreprises, elle le relâchait dans la sphère publique. Une mauvaise stratégie : les innovations de ruptures qui finissent par bouleverser l’économie naissent en effet souvent dans des laboratoires publics…