Quel est le poids des préjugés contre les Roms ?
L’évacuation controversée du Camping River à Rome, le mois dernier, a de nouveau braqué les projecteurs sur la présence des Roms en Italie, qui reste circonscrite par rapport à de nombreux pays européens, mais fait l’objet de graves discriminations.
Quel est le poids des préjugés contre les Roms ?
L’évacuation controversée du Camping River à Rome, le mois dernier, a de nouveau braqué les projecteurs sur la présence des Roms en Italie, qui reste circonscrite par rapport à de nombreux pays européens, mais fait l’objet de graves discriminations.
Les récentes déclarations du ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini suivies de l’évacuation controversée du camp Camping River à Rome ont à nouveau braqué les projecteurs sur la situation des Roms en Italie. Une fois de plus, la question a été exploitée pour exalter le sentiment anti-européen. Ce même ministre a raillé la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en la taxant d’angélisme et en l’accusant de « bloquer le rétablissement de la légalité ».
Le 24 juillet, la Cour a en effet adopté une mesure d’urgence pour stopper l’évacuation du site où des Roms s’étaient installés aux portes de la capitale italienne. Une mesure justifiée par la crainte que l’initiative ne provoque des torts irréparables. L’évacuation a tout de même été menée, le 26 juillet, obligeant les 300 personnes qui se trouvaient dans le camp à improviser une solution de fortune. Ce qui a aussitôt relancé le débat sur les conditions d’habitation et les politiques qui visent à proposer des solutions alternatives.
L’attitude du gouvernement italien est loin d’être isolée au sein de l’Europe. Il suffit de rappeler les déclarations pré-électorales du premier ministre hongrois Viktor Orban, la condamnation des déclarations de l’ancien président roumain Traian Băsescu ou encore les politiques françaises durant le gouvernement de Nicolas Sarkozy .
Toutefois, le discours du nouveau ministre de l’Intérieur qui, peu de temps après sa nomination était allé jusqu’à évoquer un recensement ethnique des Roms vivant en Italie, revient à « marquer un but sans gardien » car selon une étude du Pew Research Center de 2014, l’Italie est de loin le pays où les Roms sont les plus mal considérés.
La principale minorité ethnique en Europe
Combien y a-t-il de Roms en Europe ? Avec une population estimée à six millions, les Roms représentent la minorité ethnique la plus importante en Europe . Selon l’Agence européenne des droits fondamentaux, le manque de chiffres fiables sur la présence et les conditions d’habitation des Roms dans les pays européens constitue un obstacle sérieux à l’élaboration de politiques publiques. Certaines estimations sont toutefois disponibles et montrent qu’en Italie comme en France , pays où les expulsions et les évacuations prêtent depuis longtemps à controverse, le pourcentage des Roms dans l’ensemble de la population est très réduit par rapport à d’autres pays européens (respectivement 0,25% et 0,6% pour l’Italie et la France).
Dans les nouveaux États membres de l’UE, notamment en Bulgarie, en Slovaquie et en Roumanie, ainsi que dans certains pays candidats, Serbie et Macédoine en tête, la présence de la communauté Rom dépasse, en revanche, 8% de la population totale.
Un Européen sur cinq ne voudrait pas avoir un Rom pour collègue
La tentation pour des gouvernements européens de « marquer un but sans gardien » par le biais d’attaques généralisées contre la communauté Rom s’appuie, tout en l’alimentant, sur un sentiment diffus au sein de leur population. Discriminations et préjugés continuent de jouer un rôle central. Un sondage réalisé en 2015 par la Commission européenne révèle que les Roms sont la minorité la plus discriminée en Europe. Une personne interrogée sur cinq déclare se sentir très mal à l’aise à l’idée d’avoir un Rom pour collègue, un pourcentage qui dépasse de façon significative le sentiment négatif exprimé envers d’autres minorités (sexuelles, ethniques ou religieuses) prises en considération dans le sondage.
Si l’on examine la situation sur le plan national, ce sont essentiellement les pays du Groupe de Visegrad et les nouveaux États membres, comme la Bulgarie et la Roumanie, qui font le plus preuve d’attitudes discriminatoires. Le score le plus négatif, toutefois, revient à l’Italie et à la République tchèque, deux pays où la présence de la communauté Rom reste pourtant très limitée (0,25% en Italie et 1,9% en République tchèque).
L’Eurobaromètre montre comment, alors que l’intolérance à l’égard des autres minorités diminue progressivement – bien qu’à un rythme encore trop lent – dans tous les pays européens la prévention contre les Roms est la seule à ne pas reculer.
Pourtant, les initiatives européennes ne manquent pas. La Cour européenne, citée plus haut, a développé au fil des ans un solide corpus de jurisprudence sur les droits de la minorité Rom. En 2011, la Commission européenne a adopté un cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms afin de combler les disparités dans quatre domaines clés (éducation, emploi, santé et logement) qui, en Italie, est supervisé par le Bureau national contre les discriminations raciales (UNAR).
Mais l’adoption de stratégies nationales ne semble pas suffire à enrayer la tendance à gérer le problème exclusivement sous l’angle de l’urgence. L’enracinement des attitudes discriminatoires comme celles mises en évidence par l’Eurobaromètre exposent les opinions publiques au discours sur “la question urgente des Rom”, tout en faisant perdurer les conditions qui légitiment la ségrégation à l’école, à l’accès au logement et à l’emploi.