Les voitures à hydrogène représentent peut-être l’avenir, mais pas le présent
Les consommateurs européens achètent très peu de voitures à hydrogène, bien que l’UE considère qu’elles présentent un potentiel pour réduire l’utilisation des carburants fossiles.
Les voitures à hydrogène représentent peut-être l’avenir, mais pas le présent
Les consommateurs européens achètent très peu de voitures à hydrogène, bien que l’UE considère qu’elles présentent un potentiel pour réduire l’utilisation des carburants fossiles.
Si on vous parle d’un véhicule qui ne roule ni grâce à l’essence ni grâce au gazole, vous penserez sans doute à une voiture à propulsion électrique. Mais une autre alternative émerge progressivement – la voiture à pile à hydrogène .
L’un des avantages de ce type de véhicules, c’est qu’il est possible de refaire le plein en trois à cinq minutes – l’équivalent d’un moteur essence ou diesel. L’hydrogène peut être produit par l’électrolyse de l’eau avec l’électricité issue des sources d’énergie vertes comme l’éolien ou le solaire. Les piles à combustible convertissent ensuite l’hydrogène en électricité pour alimenter la voiture (bien qu’il faille noter qu’il est également possible de produire de l’hydrogène avec des carburants fossiles polluants et que la majorité de l’hydrogène européen provient de cette source sale).
Les ministres de 25 pays européens ont adopté une déclaration en Autriche en septembre sur le potentiel de l’hydrogène issu de sources d’énergie renouvelables. Ils ont conclu que « l’hydrogène renouvelable pouvait stocker et offrir un accès fiable et en temps opportun aux énergies renouvelables, ouvrant ainsi une palette de nouvelles possibilités pour accroître la sécurité énergétique et réduire la dépendance de l’Union énergétique aux importations d’hydrocarbures ».
Au cours d’un événement récent à Bruxelles, plusieurs intervenants ont également affirmé que l’hydrogène éveille un intérêt grandissant. « Pourquoi le débat sur l’hydrogène accélère t-il à présent ? Le coût en forte baisse de l’énergie éolienne et solaire au cours des dernières années en est l’une des raisons, élargissant le champ des possibles en ce qui concerne la production d’hydrogène vert à grande échelle », a déclaré Valérie Bouillon-Delporte, présidente du lobby Hydrogen Europe. Mais elle a également averti les participants à la conférence sur les piles à combustible et hydrogène qu’il ne fallait pas s’emballer. « Nous avons besoin d’un élan, mais pas d’une hypermédiatisation », a-t-elle poursuivi.
Si l’on regarde les chiffres bruts, l’intérêt des Européens pour la voiture à hydrogène avec piles à combustible reste relativement limité. D’après l’Association des constructeurs européens d’automobiles , 92,3% de toutes les voitures enregistrées en juillet, août et septembre carburaient aux énergies fossiles – l’essence ou le diesel. La part restante du gâteau que se partageaient véhicules à propulsion alternative revenait principalement aux véhicules électriques hybrides plug-in (PHEV) et aux véhicules électriques à batteries (BEV).
Les véhicules électriques à pile à combustible (FCEV) étaient même moins populaires au cours des deux dernières années que les véhicules électriques à autonomie étendue (EREV) comportant un moteur à combustion interne qui peut recharger la batterie.
D’après Julia Poliscanova, la faible part des véhicules à hydrogène est due à l’accès limité des modèles pour les consommateurs. Poliscanova fait campagne pour l’organisation écologiste basée à Bruxelles Transport and Environment mais elle est aussi expert technique – elle s’est spécialisée dans les batteries et les piles à combustible dans le cadre de son master en sciences de l’énergie. « Une révolution dans le développement de batteries s’est opérée ces dernières années », a-t-elle expliqué à EUobserver. « D’une manière générale, les technologies liées aux piles à combustible ont toujours été bien plus complexes. » « Il n’y a jamais eu de telle baisse des coûts accompagnée d’un tel progrès technologique. Néanmoins cette solution reste onéreuse, » a-t-elle noté.
Ce sont principalement les constructeurs asiatiques qui ont promu les véhicules hydrogènes. « Cela en dit long que, depuis une ou deux décennies minimum, nous entendons Toyota, Hyundai et Honda nous dire que les piles à combustible représentent l’avenir. Mais elle ne sont pas encore utilisées », a-t-elle poursuivi. Le jour où EUObserver a rencontré Poliscanova, son groupe de pression a publié un rapport concluant que les véhicules hydrogène perdent bien plus d’énergie que les voitures électriques à batterie. « Si vous avez une quantité limitée d’électricité renouvelable, il vaut mieux la faire charger directement via une batterie, pour l’utiliser telle quelle plutôt que de la transformer en hydrogène, » a affirmé Poliscanova.
Des fonds de l’UE – mais toujours non-répartis
Toutefois, l’Union européenne n’a toujours pas choisi son favori. Elle dépense 665 millions d’euros (sur la période 2014-2020) pour un partenariat public-privé qui vise à « accélérer le développement et le déploiement des technologies des piles à combustible et hydrogène ». L’initiative s’appelle Entreprise commune « Piles à combustible et hydrogène » ou FCH JU. Le FCH JU – dont le budget total s’élève à 1,33 milliard – a organisé sa conférence d’examen du programme annuel ce mois-ci.
Lisa Ruf y était. Elle a pris la parole au nom du cabinet de conseil britannique Element Energy qui forme le consortium Hydrogen Mobility Europe, un bénéficiaire du financement de FCH JU. Elle a expliqué à EUObserver que présenter le débat comme une bataille entre l’hydrogène et la batterie n’était pas « très utile ». « Ce n’est pas un combat constructif et nous essayons de l’éviter car, en fin de compte, nous aspirons aux mêmes objectifs », a-t-elle déclaré. « La raison pour laquelle nous sommes dressés les uns contre les autres, c’est que les investissements touchant cette technologie sont limités et que la population n’est pas assez sensibilisé sur son potentiel », a regretté Ruf. « Nous devrions soutenir les deux solutions. »
L’activiste écologiste Poliscanova a ajouté que le partenariat public-privé peut permettre à l’hydrogène d’être utilisé pour d’autres modes de transport, notamment maritimes. « Je pense que nous devons, à l’heure actuelle, garder toutes les options sur la table, » a déclaré la militante. « La vérité, c’est que le défi visant à décarboniser toute notre économie et tous les transports d’ici 2050 est de taille », a-t-elle lancé.
Le 28 novembre, la Commission européenne a présenté son document stratégique exposant une vision pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Il a été publié moins d’une semaine après la déclaration de l’Organisation météorologique internationale selon laquelle les émissions de gaz à effet de serre vers l’atmosphère terrestre a atteint des niveaux record.
« Sans coupes rapides dans les émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre, les changements climatiques auront des conséquences de plus en plus destructives et irréversibles sur la vie sur Terre. La fenêtre d’opportunité pour agir est en train de se refermer », a alarmé l’Organisation des Nations unies dans un communiqué .
Certains soutiennent par ailleurs que l’hydrogène pourrait servir de moyen pour stocker les énergies renouvelables, qui doivent être entreposées pendant les périodes de surproduction. Sinon, le réseau électrique serait surchargé. L’un des objectifs de FCH JU consiste à montrer que l’hydrogène peut être utilisé pour équilibrer le réseau. Néanmoins, Poliscanova a rejeté l’idée que l’argument du réseau persuaderait les investisseurs. « On ne peut faire de l’électrolyse que lorsqu’on dispose d’un excédent d’énergies renouvelables. Ce n’est pas un argument commercial. Comment voulez-vous faire fonctionner une usine en vous demandant ‘Y aura-t-il du vent aujourd’hui ?’ Non. » En attendant, l’intégralité des 622 voitures à hydrogène immatriculées sur le Vieux Continent au cours des deux dernières années l’ont été en Europe de l’Ouest.
Ce n’est pas une surprise, selon Ruf et Poliscanova – même si les explications divergent. La représentante de Transport and Environment soutient que la plupart des voitures neuves sont vendues en Europe de l’Ouest et que les véhicules à hydrogène sont chers. Ruf estime au contraire que « cela dépend dans une large mesure des constructeurs automobiles ». Le fait de savoir si l’automobile à pile à hydrogène va percer reste à voir. Mais il vaut mieux ne pas l’enterrer trop vite.
Lorsque l’UE a annoncé le programme de financement précédent pour les piles à combustible et l’hydrogène, en 2006, elle les a qualifiés de « technologies énergétiques qui induisent un changement de modèle dans la manière dont l’Europe produit et consomme l’énergie, en offrant un potentiel de développement massif pour un approvisionnement en énergie durable et indépendant à long terme, et en dotant l’Europe d’un avantage compétitif essentiel. » Ce changement de modèle n’est toujours pas en vue.
https://euobserver.com/environment/143478