Les Européens toujours accros à l’avion
Les Européens ont beau se dire les champions du climat, ils continuent de prendre de plus en plus l’avion.
Les Européens toujours accros à l’avion
Les Européens ont beau se dire les champions du climat, ils continuent de prendre de plus en plus l’avion.
Selon des chiffres d’Eurostat publiés en décembre dernier, 1,1 milliard de passagers ont voyagé par avion dans l’Union européenne en 2018, soit une hausse de 6 % (+63 millions) sur un an. Depuis la COP15 organisée à Paris en 2015, la hausse du nombre de passagers a été de 20 % (+ 187 millions). Et c’est sur les trois dernières années (2016, 2017 et 2018) que l’on a enregistré les plus forts taux de croissance depuis dix ans. Bien sûr, ces chiffres intègrent tous les passagers en provenance ou à destination d’un pays extra-européen, donc de nombreux ressortissants non Européens. Mais les Européens restent les principaux usagers, tandis que les vols entre deux pays de l’UE et les vols domestiques représentent respectivement 46 % et 16 % des trajets.
La part du transport aérien est modeste si on la rapporte à l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre des Vingt-Huit : 3,9 %. Et si l’on regarde le secteur des transports – le cinquième des émissions brutes de l’UE – les avions ont émis 174 millions de tonnes de CO2 en 2018 contre 896 millions pour les transports routiers (dont 543 millions pour les voitures). Mais ces chiffres de doivent pas exonérer les Européens de leurs responsabilités. Un vol Paris-Madrid aller-retour, c’est environ 250 kg de CO2 émis. Si un Français ne devait pas émettre plus de gaz à effet de serre que son pays ne capture de CO2 aujourd’hui (36 millions de tonnes, via les sols et les forêts), il aurait droit à 1 860 kg de CO2 par an, un volume correspondant aux émissions associées à l’alimentation d’un Français moyen.
Il est d’autant plus urgent de s’attaquer aux émissions des transports, dont l’avion, que ce secteur dérape complètement. Alors que l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de l’UE a reculé d’un peu plus de 22 % depuis 1990, le secteur des transports a vu les siennes bondir de 20 %. Pour le sous-secteur de l’aviation internationale (intra et extra UE), les émissions ont explosé : + 214 %. Et rien ne vient aujourd’hui réellement freiner cette croissance folle de l’aérien.
Les Etats membres qui affichent la croissance la plus forte de leur trafic de passagers aériens sont essentiellement les pays d’Europe centrale et de l’Est. Alors que le trafic voyageurs a progressé de 6 % à l’échelle de l’UE en 2018, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Pologne, la Slovaquie et la Lituanie se situaient entre 13 % et 20 %.
Cet effet de rattrapage des économies de l’Est ne doit pas faire oublier que dans les pays les plus riches de l’UE, de très loin les plus gros consommateurs aériens (voir graphique ci-dessous), l’appétit pour l’avion continue de progresser à un rythme rapide, de l’ordre de 5 % par an. Alors qu’il est possible de prendre des vacances ou de gérer des affaires autrement qu’en sautant dans un avion, rien aujourd’hui ne permet d’entrevoir une inversion de cette évolution insoutenable pour la planète.
Les compagnies aériennes prétendent tendre vers la neutralité carbone en développant la compensation de leurs émissions, via le mécanisme CORSIA adopté en 2016 par l’organisation internationale de l’aviation civile (ICAO). Elles veulent pouvoir se procurer des crédits carbone attestant de baisses d’émissions réalisées dans d’autres secteurs, notamment via des projets liés à la préservation des forêts dans les pays en développement. La mise en place ce mécanisme d’échange de crédits à l’échelle internationale était ainsi l’un des sujets phares des négociations climatiques à la COP 25. Outre le grave problème que pose la fiabilité de ces crédits carbone, cette stratégie repose sur un mensonge.
L’urgence climatique impose de tendre le plus rapidement possible vers la neutralité des émissions de gaz à effet de serre. Or dans tous les secteurs, il y a des émissions résiduelles qu’il ne sera pas possible de neutraliser et pour lesquelles on compte sur le rôle des forêts et des sols pour les compenser. C’est principalement le cas de l’agriculture qui sert à nourrir 7 milliards d’hommes. Or rien ne permet aujourd’hui d’affirmer qu’il est possible de tout à la fois compenser les inévitables émissions liées à l’alimentation humaine et celles induites par l’aviation, a fortiori si celle-ci poursuit sa folle envolée.
Il n’y a pas d’autre alternative que de s’engager sur une trajectoire d’élimination du kérosène d’origine fossile en un demi-siècle. Sachant que les carburants de substitution devront être produits sans dégrader la biodiversité et sans faire concurrence aux usages alimentaires de l’agriculture, il n’y a pas trente-six solutions : il va falloir voler beaucoup moins. Et, au passage, que les classes plus