Les banques européennes restent les principaux investisseurs de fonds de l’industrie des combustibles fossiles

Alors que les banques publiques peinent à mettre en œuvre leurs plans de manière efficace, les banques privées ne font toujours pas leur part. Avec la lenteur et les obstacles croissants auxquels sont confrontées les finances publiques, combinés au manque de fiabilité du système privé, quel est l'avenir de la transition énergétique ?

Published On: janvier 25th, 2021
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Les banques européennes restent les principaux investisseurs de fonds de l’industrie des combustibles fossiles

Alors que les banques publiques peinent à mettre en œuvre leurs plans de manière efficace, les banques privées ne font toujours pas leur part. Avec la lenteur et les obstacles croissants auxquels sont confrontées les finances publiques, combinés au manque de fiabilité du système privé, quel est l’avenir de la transition énergétique ?

TTstudio/Shutterstock

Il y a presque un an, nous écrivions que les banques européennes continuaient d’investir dans l’industrie mondiale du charbon, malgré les réglementations établies dans leurs propres codes de conduite et en dépit du Pacte Vert pour l’Europe proposé par la Commission européenne. En octobre 2020, le Parlement européen a adopté la « loi sur le climat » : un mandat de négociation destiné à aider à atteindre les objectifs fixés dans le cadre du « Pacte Vert pour l’Europe »; à savoir, la neutralité climatique de l’UE d’ici 2050. Si elle est approuvée par les organes législatifs européens, la loi sur le climat obligera les États membres à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. 

Avec l’arrivée du Covid-19 et les crises économiques qui en ont découlé, le Pacte Vert pour l’Europe est également devenu un élément central de la « NextGenerationEU » (le plan de relance économique proposé en mai par la Commission européenne) et du budget de l’UE pour 2021 à 2027. Les deux ont été approuvés ces dernières semaines. NextGenerationEU exige que 30 % des dépenses soient consacrées à la lutte contre le changement climatique, tandis que 25 % du budget de l’UE devraient être affectés de la même manière pour les sept prochaines années.

Trop beau pour être vrai ? 

Malgré ces bonnes intentions, tous les moyens prévus par les plans de mise en œuvre du Pacte Vert pour l’Europe se heurtent à une série d’obstacles posés par les secteurs public et privé, notamment en ce qui concerne les subventions allouées par les États membres à l’industrie charbonnière. Selon Investigate Europe, ces subventions s’élèvent à environ 137 milliards d’euros par an. 

Si la transition énergétique a déjà rencontré des problèmes au niveau de l’application des mesures en Europe, le véritable défi consistera à exporter le modèle européen dans le reste du monde. Après tout, l’UE ne produit que 10 % des émissions mondiales, même si un plan d’action visant à lutter contre le changement climatique au niveau mondial est toujours le bienvenu. De même, le soutien à une « Banque européenne pour le climat et le développement durable » est plus fort que jamais. Cette institution financière viendrait remplacer et consolider tout le « travail vert » de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). 

Ces dernières années, la BEI et la BERD ont investi des sommes colossales dans l’industrie des énergies renouvelables, tout en continuant cependant à financer l’industrie des combustibles fossiles. En novembre 2019, la BEI a annoncé que ce financement cesserait enfin en 2021, tandis que la BERD n’a encore pris aucune décision.

Les banques privées jouent toujours un rôle important

Si les institutions européennes et les banques d’investissement publiques peuvent mettre en place des politiques visant à décourager l’industrie fossile, la responsabilité ultime demeure tout de même entre les mains du secteur privé. C’est en effet là que les banques pourraient jouer un rôle concret dans la lutte contre le changement climatique au niveau mondial.

Dans son rapport annuel qui couvre la période de 2016 à 2019, l’ONG Rainforest Action Network, dont la mission est de surveiller les principaux investissements des banques internationales dans l’industrie des combustibles fossiles, montre que 17 des 35 plus gros investisseurs dans ce secteur sont européens. En 2019, les investissements des banques européennes dans tous les secteurs de l’industrie des combustibles fossiles ont augmenté de 4 % à partir de 2018 et de 7,7 % à partir de 2016, atteignant plus de 197 milliards d’euros en un an seulement – et environ 760 milliards entre 2016 et 2019.

Les données sur la croissance de l’industrie des combustibles fossiles sont encore plus préoccupantes : le financement des projets en phase de développement ou de planification a augmenté de 13,7 % au cours de ces quatre années, et de 47,4 % entre 2018 et 2019. Tous les secteurs de l’industrie des combustibles fossiles, à l’exception de la fracturation, ont reçu plus de fonds des banques européennes en 2019 qu’en 2018. Le financement du forage en mer et de l’extraction du pétrole et du gaz de l’Arctique en particulier a augmenté respectivement de 131,3 % et de 48,5 %. 

Les banques les moins performantes au total sont les britanniques Barclays (près de 40 milliards investis en 2019, +11,4 % par rapport à 2018) et HSBC (26,5 milliards, +33,8 %), et la française BNP Paribas, en tête de liste pour l’augmentation des financements en 2019 avec plus de 30 milliards investis, soit une hausse de 72,3 % par rapport à 2018.

Évaluer les efforts des banques 

Malgré les efforts des institutions européennes, il apparaît clairement que le secteur public a fait très peu pour apprivoiser les activités des banques privées. En fin de compte, c’est à celles-ci de s’autoimposer des régulations encourageant la transition énergétique. Une étape décisive franchie par beaucoup. Rainforest Action Network a recensé les secteurs des combustibles fossiles qui reçoivent le plus de fonds des banques européennes. Ces résultats comprennent les restrictions que les banques s’imposent volontairement sur le financement direct de projets, la limitation du financement des entreprises qui contribuent à la croissance de l’industrie de l’énergie fossile, leur engagement à réduire progressivement ce financement, ou à exclure les entreprises dont les activités excèdent un certain niveau d’émissions. 

Toutefois, cela ne signifie pas que ceux qui sont en apparence plus performants au niveau des politiques internes prennent des mesures appropriées. Par exemple, dans le cas de l’extraction du charbon, le Crédit Agricole français valide 27 points de politique sur 32, mais entre 2016 et 2019, il a en fait augmenté son financement pour ce secteur de 376 %, après avoir annoncé l’arrêt du financement de l’industrie du charbon en 2015. Comme l’indique clairement le graphique, la même contradiction caractérise également les autres institutions bancaires.

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