L’Europe résiste dans un monde de plus en plus inégalitaire
Le premier rapport sur les inégalités dans le monde révèle la distance croissante entre les riches et les pauvres. Dans l'ensemble, l'Europe fait exception.
L’Europe résiste dans un monde de plus en plus inégalitaire
Le premier rapport sur les inégalités dans le monde révèle la distance croissante entre les riches et les pauvres. Dans l’ensemble, l’Europe fait exception.
La publication le 14 décembre du premier Rapport sur les inégalités mondiales 2018 permet, grâce à des données originales, de décrire la géographie et la dynamique des inégalités internationales sur les trois dernières décennies. Réalisé par le World Inequality Lab, dont font partie entre autres les économistes Thomas Piketty, Facundo Alvaredo et Lucas Chancel, plus de 100 chercheurs partout dans le monde ont permis de construire une base de données de 175 millions de chiffres, en accès libre, permettant d’offrir une première photo mondiale des inégalités. Où se situe l’Europe dans ce panorama global ?
Au cours des dernières décennies, les inégalités ont crû partout dans le monde. Mais de manière différenciée en fonction des régions. C’est en Europe qu’elles sont les plus faibles. La preuve que les institutions nationales (fiscalité, services publics, etc.) jouent un rôle important dans la possibilité de maîtriser les inégalités. La dynamique inégalitaire apparaît bien plus marquée aux Etats-Unis, la région du Moyen Orient offrant l’image de sociétés polarisées à l’extrême entre ceux qui profitent de la manne pétrolière et les étrangers, pauvres, qui travaillent à leur service.
Si l’on s’intéresse plus précisément à la dynamique des inégalités de revenus en Europe et aux Etats-Unis, on constate qu’elles se sont accrues sur ces deux continents. Mais dans des proportions bien moindres de ce côté-ci de l’Atlantique : quand les 1 % d’Américains les plus riches concentrent 20 % des revenus, c’est 12 % pour leurs homologues européens. Aux Etats-Unis, depuis le milieu des années 1990, plus les riches s’enrichissent, plus les pauvres s’appauvrissent. En Europe, les plus aisés ont gagné un peu de terrain, mais les deux courbes sont encore loin de se croiser.
Les données concernent l’Europe de l’Ouest : que se passerait-il si l’on prenait en compte les pays d’Europe orientale ? Aucun changement : les 10 % les plus riches détiennent 37 % des revenus à l’Ouest, 38 % si l’on inclut l’Est du continent.
Les auteurs du rapport ont également élaboré des scénarios prospectifs. Si les inégalités mondiales suivent la tendance des trois dernières décennies, elles continueront de se creuser dans les années à venir. Dans un monde suivant la dynamique américaine, la part détenue par les 1 % les plus riches passerait de 20 à près de 30 % des revenus mondiaux. A l’inverse, elle redescendrait, légèrement, en suivant la voie européenne. Ce serait mieux, mais très loin d’être suffisant pour remettre en cause la tendance structurelle de notre capitalisme contemporain à accroître les écarts de richesse.