Football européen : toujours plus riche… et inégal
Un ballon toujours plus gros, et qui finit de plus en plus souvent dans le même but. Voilà le nouveau visage du football européen
Football européen : toujours plus riche… et inégal
Un ballon toujours plus gros, et qui finit de plus en plus souvent dans le même but. Voilà le nouveau visage du football européen
Un ballon toujours plus gros, et qui finit de plus en plus souvent dans le même but. Voilà comment résumer le nouveau visage du football européen. D’un côté, on remarque un extraordinaire développement économique du ballon rond. Les recettes des clubs européens ont été multipliées par six en vingt ans, alors que le football est déjà un très vieux marché.
La recette ? Un cercle « vertueux » qui s’enclenche au début des années 1980 avec l’apparition des chaînes de télévision privées et la concurrence féroce qu’elles engagent pour obtenir les droits de diffusion. Les clubs se partagent ainsi un magot toujours plus gros, qu’ils utilisent pour acheter les meilleurs joueurs. Ce qui aide à remplir les stades, à vendre des maillots et à attirer des sponsors prêts à payer très cher pour être en bonne place sur des télés qui doivent débourser toujours plus pour pouvoir diffuser les précieux matchs…
Principaux responsables de cet essor économique du football, les droits de diffusion télévisés sont aussi un des plus puissants moteurs du creusement des inégalités entre clubs. Certes, à l’intérieur d’une compétition, les recettes des droits télévisés sont réparties de façon plutôt équitable entre les différentes équipes. Mais il existe des écarts très importants entre les différentes compétitions, qui créent au total un creusement des inégalités globales.
Le championnat anglais est ainsi de loin le plus générateur de recettes au monde : ces dernières années, les droits télévisés s’y sont envolés à tel point qu’en dehors des clubs anglais, seuls le Real Madrid, le FC Barcelone et la Juventus de Turin se hissent dans le Top 20 des clubs qui touchent le plus de recettes venant des droits télés nationaux. Le Paris Saint-Germain ou encore le Bayern Munich se classent par exemple derrière le modeste club anglais de Sunderland…
Les droits télévisés européens, davantage basés sur les résultats sportifs, sont plus équilibrés : seuls quatre clubs anglais se classent dans le Top 20 européen en 2015. Mais si ces droits sont moins favorables aux seuls anglais, ils restent particulièrement mal répartis à l’échelle européenne. Ce sont surtout les clubs des quatre principaux championnats qui en bénéficient : Angleterre, bien sûr, mais aussi Espagne, Italie et Allemagne.
Et même à l’intérieur de ces championnats, les écarts entre clubs se creusent toujours plus. Les 30 clubs qui génèrent le plus de revenus en Europe captent 49 % des recettes des 679 clubs européens !
L’accumulation de ces inégalités de recettes, année après année, finit par créer des écarts très importants sur le plan sportif, réduisant petit à petit l’incertitude des résultats sur le terrain. Ainsi, la Ligue des Champions, la plus prestigieuse compétition des clubs, est devenue tristement prévisible, les mêmes équipes des mêmes championnats battant de plus en plus souvent les équipes des championnats « mineurs ».
Le montant des recettes générées par un club définit le niveau des joueurs qu’il peut attirer ou garder. Plus les recettes sont élevées, plus le club peut acheter ou conserver les meilleurs joueurs. Sans surprise, dans la foulée de l’envolée des droits télévisés en Angleterre, les salaires y ont explosé : la masse salariale de la Premier League anglaise est plus du double de celle de son dauphin, le championnat italien. La cartographie européenne de la valeur de marché des joueurs confirme donc les inégalités observées en matière de recettes.
Pendant des années, le développement économique des clubs a été permis par un endettement important. C’est pourquoi l’Union des associations européennes de football (UEFA), organisatrice et gendarme du football européen, a lancé le fair-play financier en 2011. Ce dispositif de régulation impose aux clubs européens de limiter leurs pertes financières. Sur un cycle de trois ans, un club ne peut afficher plus de 30 millions d’euros de déficit. Grâce à une application assez stricte du dispositif, les pertes des clubs européens se sont réduites, et l’endettement des clubs commence à baisser.
Reste que le fair-play financier ne règle pas le creusement des inégalités entre les clubs. Il faudrait donc mettre en place des régulations plus poussées. Il est par exemple possible d’obliger les équipes à aligner un quota de joueurs formés au sein du club. L’UEFA a d’ailleurs en partie mis en place cette obligation pour les équipes qui jouent les coupes d’Europe, mais à un degré très peu contraignant : seulement 4 joueurs sur 25 doivent avoir été formés au club. Plus ambitieuse encore serait la mesure consistant à mettre en place un plafond de masse salariale (salary cap en anglais).
En effet, la hausse spectaculaire des prix des transferts de joueurs et de la masse salariale ne crée pas que des inégalités entre clubs les plus riches et les autres. Elle crée aussi des inégalités nouvelles à l’intérieur des clubs, entre les superstars et leurs coéquipiers. Ainsi, en France en 2014, le salaire des 20 joueurs les mieux payés de Ligue 1 se situait entre 250 000 et 1,5 million euros bruts par mois, alors qu’en 2011 il était compris entre 220 000 et 375 000 euros. La croissance récente a donc peu bénéficié aux joueurs « normaux » du championnat, ni aux joueurs de division inférieure.
Il est donc temps de réguler véritablement le football européen. Car à ce rythme, la célèbre phrase de Gary Lineker : « Le football est un sport simple : 22 joueurs courent après un ballon pendant 90 minutes, et à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent », devra bientôt être modifiée… en remplaçant « Allemands » par « riches ».