Quelle réforme pour le droit d’auteur ?
Les 20 et 21 juin, la commission des affaires juridiques du Parlement européen a voté une directive proposée pour la réforme des droits d’auteur. Cela vous semble éloigné de la réalité ? Et pourtant, cette nouvelle directive pourrait bien façonner le fonctionnement d’Internet dans quelques années.
Quelle réforme pour le droit d’auteur ?
Les 20 et 21 juin, la commission des affaires juridiques du Parlement européen a voté une directive proposée pour la réforme des droits d’auteur. Cela vous semble éloigné de la réalité ? Et pourtant, cette nouvelle directive pourrait bien façonner le fonctionnement d’Internet dans quelques années.
Le 25 mai dernier, le nouveau règlement de l’UE relatif à la protection de données connu sous son acronyme RGPD (règlement général sur la protection des données) est entré en vigueur dans tous les Etats membres de l’UE. Au cours des dernières semaines, étant donné que les entreprises et les organisations se sont empressées de se conformer au règlement, les boîtes de réception électroniques ont été inondées de messages ciblés.
Le RGPD a de toute évidence pris de court les grands et les petits acteurs incluant même des services nationaux de protection de données malgré le fait que la réglementation avait été proposée par la Commission européenne dès 2012 et avait été adoptée dans sa forme définitive en avril 2016. De la même manière que le RGPD, dans quelques années, la proposition de directive sur les droits d’auteurs sur le marché unique numérique qui est débattue en ce moment aura probablement un impact sur la vie quotidienne et les habitudes sur Internet des résidents de l’UE.
Les hacktivists, les professionnels des médias et les défenseurs d’un espace commun numérique tirent la sonnette d’alarme, mais le grand public n’a pas été averti en raison du caractère très technique de la directive, malgré sa large portée et les similitudes avec le RGPD. Comme la commission des affaires juridique a prévu de voter la proposition actuelle les 20 et 21 juin, un certain nombre de députés européens ont commencé à en parler sur Twitter (22 d’entre eux ont mentionné les “droits d’auteur” dans 119 tweets écrits en anglais au cours des trois derniers mois).
En regardant ces tweets de plus près, on aurait du mal à trouver ne serait-ce qu’un député exprimant son soutien pour cette directive dans sa forme actuelle. Avec des hashtags tels que #SaveYourInternet , #FixCopyright , #CensorshipMachines , #savethelink, et #LinkTax , presque tous les députés qui donnent leurs avis à propos de la proposition sur Twitter le font pour en critiquer certaines parties. En effet, plus de cent députés européens d’horizons politiques divers (mais pratiquement aucun membre du Parti populaire européen) se sont explicitement opposés à l’article 11 de la proposition qui a pour but d’augmenter les revenus des éditeurs en introduisant des frais imposés pour la publication d’extraits de textes, fréquemment postés avec des liens.
De plus, l’article 13 relatif au filtrage préventif obligatoire des contenus mis en ligne sur Internet a été critiqué très sévèrement par des acteurs très différents, allant de la Fondation Wikimédia et Creative Commons aux lobbies , regroupant notamment des géants du Net à but lucratif. Des créateurs de contenus (e.g. “Copyright 4 creativity “) et des organisations open source (e.g. “Save code share “) font activement campagne contre les clauses proposées. Une lettre ouverte publiée récemment par des douzaines de pionniers et de sommités d’Internet met en lumière une partie des préoccupations principales.
L’article 3 sur l’exploitation des textes et des données, un sujet de niche en apparence, a aussi été critiqué par les députés européens et par les partisans du domaine public ainsi que par beaucoup de personnes travaillant dans ce secteur (lucratif et non-lucratif), incluant un réseau de recherche financé par l’UE visant “à améliorer l’assimilation de l’exploitation des textes et données (#TDM) dans l’UE.”
Parmi les députés européens, la voix principale (et peut-être la seule) sur Twitter soutenant la proposition actuelle est celle du rapporteur, Axel Voss (Parti populaire européen). Malgré cette opposition, même certaines des clauses de la proposition créant le plus de divisions devraient être acceptées par les commissions compétentes du Parlement européen. Pour plus d’arguments en faveur de cette réforme, vous pouvez consulter la campagne Empower Democracy organisée par un certain nombre d’éditeurs européens importants.
La députée qui prend le plus partie contre cette proposition est Julia Reda (Verts/Alliance libre européenne) qui a beaucoup tweeté à propos de celle-ci et a dédié un onglet de son site Internet à une critique détaillée de la proposition en fournissant des informations supplémentaires à propos des étapes par lesquelles la proposition doit passer afin d’être validée. Les campagnes contre la proposition regroupent Save the link , Save your internet, Save code share , et Fix copyright.
Vous pouvez consulter la proposition en elle-même ainsi que les documents officiels concernés sur le site officiel du Parlement européen.
Information : en tant qu’auteur d’un logiciel de langage de programmation R ayant pour but de faciliter l’exploitation de textes, je m’inquiète moi-même des limites imposées à cette exploitation prévues par la directive proposée. En fonction de l’affiliation d’une entité, une analyse structurée des contenus en ligne pourrait être autorisée ou non. En tant qu’utilisateur d’un logiciel open source, écrivant et partageant des codes, je suis également préoccupé par les éventuels perturbations sur les filtres de téléchargement (conformément à ce qui est proposé dans l’article 13) pour les communautés open sources (voir la campagne mentionnée ci-dessus : “Save Code Share “).